Le cimetière, un lieu de vie

 

Societé

 

Témoin du passé humain d’une commune, un cimetière n’est pas seulement le lieu où reposent les défunts. Il est aussi, et bien plus encore, un espace de souvenir pour les vivants.

 

Du passé, ne faisons pas table rase : c’est l’idée que certains Monsois voulaient défendre lors de la polémique qui agita notre petite ville en 1953. La suppression de l’ancien cimetière, entre la rue Parmentier et la route de Roubaix, au bénéfice de celui que nous connaissons, ne se fit pas sans mal. Pourtant le « nouveau » situé aux abords immédiats de ce qui était alors la commune de Flers, fonctionnait depuis 1934, c'est-à-dire depuis près de vingt ans. La Ville assurait gratuitement la translation des corps, mais pas la reconstruction des monuments. De plus, les vieux Monsois ne voyaient pas d’un bon œil la perspective de transférer leurs morts, et encore moins d’être enterrés eux-mêmes, sur un terrain vague. La considération pour les morts était solide et... bien vivante ! Et, sauf à rêver de fantômes, ce sont les vivants qui fréquentent les cimetières.

 

Certains monuments, plus ou moins abîmés, proviennent du premier, ouvert en 1845, un an après l’ouverture de l’église Saint-Pierre. La loi interdisait déjà l’installation des sépultures autour des églises. Cela évita aux Monsois de l’époque, les fureurs de nos voisins lillois qui, en 1779, fomentèrent de véritables émeutes lorsqu’on voulut enterrer leurs défunts à la périphérie de la ville.

 

Ci-contre le monument du pharmacien Paul Parsy (1865-1943), de son épouse Lucie Labis et de leur fils Lucien, sous-lieutenant d’infanterie, chevalier de la Légion d’honneur, Croix de guerre, tombé à Maurepas en 1916.

Le langage des tombes

 

Les monuments les plus anciens sont en pierre et portent des noms bien connus dont certains ont laissé des traces dans la désignation de nos rues, telle la concession à perpétuité d’Henri-Auguste Spriet, décédé en 1908, et de Sophie Tellier, son épouse, disparue en 1906. Une série de tombes, au pied du calvaire, abrite les dépouilles de quelques-uns des maires qui, comme Victor Lelièvre et Alphonse Gayet, ont œuvré à la tête de notre ville.

 

Le carré militaire présente une succession de stèles portant chacune le nom d’un militaire ou d’un résistant tué pendant l’une des deux guerres mondiales. Des plaques de marbre, à proximité, présentent parfois, en médaillon, le portrait de l’un de ces morts pour la France. Celle d’Adrien Vallez, tombé pour la libération le 2 septembre 1944, a été détachée du mur où elle se trouvait, rue Daubresse-Mauviez (actuelle rue du Général de Gaulle), près de la brasserie, là où le jeune homme avait été abattu par un Allemand. La maison, détruite pour l’agrandissement de l’entreprise Heineken, n’existe plus, mais la plaque commémorative a été déposée au cimetière.

 

La plaque d’Adrien Vallez a été sauvée de la destruction lors de l’agrandissement de l’usine Heineken en 1996 (Ci-contre).

Un lieu pour faire le deuil

 

" En ce pays de solitude

Un dur matin fut inhumé

Le père qu’ils ont tant aimé.

La peine que le vent emporte

A scellé des enfances mortes

En ce pays de solitude. "

 

Cette strophe extraite de « Vertiges monsois », poème paru dans Mons-en-Barœul, du village à la ville et dédié à Henri Poissonnier, résume le sentiment d’être orphelin que beaucoup de gens éprouvent à la mort d’un être cher.

 

La diversité des tombes est le reflet plus ou moins discret d’un compromis entre la volonté que le défunt a pu exprimer, et celle de sa famille qui, d’une manière ou d’une autre, assumera le deuil.

 

Ici, un simple rocher évoque le défunt dans sa passion définitive, l’alpinisme. Ailleurs, la sépulture se résume à un petit enclos habité d’une plaque. Le sol est nu. Plus loin, un autre enclos rassemble quatre défunts sous un jardinet très bien entretenu et généreusement décoré de fleurs plantées ou artificielles. Quant aux très jeunes enfants, ceux qui sont restés des « anges », ils sont sagement alignés le long du mur, à droite de l’entrée principale. Souvent encombrées de nounours ou de témoignages enfantins et dépourvues de pierres tombales, ces courtes tombes sont parmi les plus émouvantes.

 

Ce rocher encordé célèbre avec une émotion intacte la passion de l’alpiniste inhumé à cet endroit.

Calvaire et columbarium

 

Même si la tradition de l’inhumation, passage obligé pour les chrétiens d’hier, reste importante, la pratique de l’incinération, autorisée par l’église catholique depuis 1963, se développe rapidement. Le premier columbarium, sorte de mur destiné à accueillir les urnes funéraires, a été mis en service à Mons en septembre 1988. Autre possibilité pour un adepte de la crémation : le « jardin du souvenir » où l’on peut disperser les cendres d’un défunt qui en a manifesté la volonté.

 

Avec l’éclatement géographique des familles, les visites au cimetière se font plus rares, voire inexistantes, et les concessions perpétuelles, inadaptées à la densité urbaine et au nomadisme des vivants, ne sont plus autorisées. Restent quelques beaux monuments, témoins d’un passé récent où les notables possédaient leur caveau de famille, et un grand calvaire, béni par le curé Salembier en 1935. L’auteur, l’architecte Gaston Brodelle, est enterré à quelques mètres de son œuvre.

 

La sépulture se résume à un petit enclos très sobre, habité d’une plaque. Une simplicité qui ne manque pas de grandeur.

Association Historique de Mons-en-Barœul – Octobre 2003
Texte de Jeanne Marie Caudron- Photographies Jacques Desbarbieux

 

 

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