Le livret d’ouvrier -het werkboekje- d’un
siècle à l’autre…
Qu’on ne s’y trompe pas : si les mentions portant
sur l’attribution du livret d’ouvrier sont bilingues,
il n’en est pas de même pour le contenu. Sauf à
ce qu’il en existât rédigé en flamand ?
La question est posée. N’empêche, cet
intitulé, démontre, s’il en était
besoin, qu’il existait dans nos régions, une main
d’œuvre belge d’origine flamande,
l’immigration s’étant échelonnée
sur plusieurs décennies.
Plus précisément, pour la commune de
Mons-en-Baroeul, l’absence (ou la disparition) du registre
d’immigration, rend difficile de donner un chiffre
sérieux, même à travers des recensements de
population, et ce d’autant plus que les petits-enfants de la
première génération, étaient encore
mentionnés sous la nationalité belge. Ce que
l’on peut dire, c’est que dans les années 1890,
certains quartiers du bas de Mons, tels rue de Lannoy, chemin du
petit Lannoy, sentier St Martin… avaient un taux de
population d’origine étrangère de 45 à
49 %, et parfois même supérieur à la population
française, pour les Hameaux de la Guinguette, du Bas de
l’Enfer, etc… avec des taux de plus de 60 %.
En ce qui concerne plus précisément le livret
d’ouvrier, et sans entrer plus avant dans les détails
juridiques, on peut dire qu’une loi du 22 germinal an XI, (12
avril 1803) a confirmé un livret d’ouvrier
déjà préexistant, les ouvriers se
déplaçant sans livret étant
considérés comme vagabonds, jugés et
condamnés. Ce nouveau système permettait un
contrôle plus strict des ouvriers. Sur ce livret, les dates
de début et de fin de chaque emploi devaient être
inscrites. Avec cette mesure, il y avait la volonté du
législateur de renforcer la dépendance du
salarié vis-à-vis de son employeur et celle
d'accentuer le contrôle policier. En cas de conflit de
l'ouvrier avec son employeur, son livret ne lui était pas
rendu, empêchant toute embauche postérieure.
Sous Napoléon III, le livret fait rappel dans ses
premières pages d’une loi du 22 juillet 1854, plus
libérale, l’ouvrier pouvant disposer de son livret.
Quelques clauses pénales étaient
insérées, rappelant qu’en cas de falsification
tout fraudeur pouvait être puni d’un emprisonnement
d’une année au moins et de cinq ans au plus. Ce livret
était numéroté, délivré par le
maire et était payant : son prix ne pouvait dépasser
25 centimes
Un tel document permettait de suivre le cheminement
professionnel du salarié, sa qualification et dans quelle
activité. La mention « sorti libre »,
correspondait à l’acquit de tout engagement envers
l’entreprise, notamment en cas d’avance sur salaire.
Sur ce livret, il n’était fait aucune annotation
favorable ou défavorable à l’ouvrier. La grande
masse de la population ouvrière de l’époque
avait comme statut « journalier », c'est-à-dire
que le plus souvent l’embauche était de courte
durée : le salarié restait très peu de temps
chez son employeur, quelques mois, au mieux deux ou trois
années.
Ce livret indiquait précisément les employeurs
successifs,
et servait également à régulariser une
présence dans une commune,
comme c’est le cas, ci-dessus, par le maire de
Mons-en-Baroeul,
Louis Defrenne, le 9 février 1858
Le livret faisait fonction de passeport : la photographie
n'existant pas ou n'étant qu'à ses débuts, le
signalement du détenteur du livret, portant sur la taille,
la couleur des cheveux, des yeux, etc.. permettait une
identification plus ou moins approximative de la personne
décrite. A posteriori, pour nous les descendants, ce
document est une source précieuse de renseignements sur nos
ancêtres.
Le livret ne fut définitivement aboli qu'en 1890. En
théorie ? En effet, le livret ci-dessous date de 1901, et
reprend les mêmes textes de loi de 1854. Ce qui voudrait dire
que dans les faits, son utilisation s'est poursuivie... ?
Le Maire de Mons-en-Baroeul,
Monsieur Victor Lelièvre,
a apposé son paraphe
Avec le temps, le livret d'ouvrier tel qu'il avait
existé pendant un siècle, avec son objectif policier
et contraignant, disparut. Une autre forme de livret devait voir le
jour, dans un esprit de protection de catégories
particulières d'ouvriers, notamment les enfants et les
femmes. Ce nouveau livret, de même format que l'ancien,
indiquait bien entendu l'état civil et l'adresse du
salarié, mais également son entrée dans
l'entreprise et sa sortie. Comme précédemment il
était numéroté, mais le signalement
n'était plus décrit. L'accent était mis sur
l'obtention du premier des diplômes français, le
certificat d'études primaires, laissant espérer pour
l'impétrant, une promotion sociale. Peut-on dire qu'une
ère nouvelle commençait avec une
réglementation en faveur des salariés ? Ce
n'était qu'un premier pas dans une lutte pour le
progrès social.
Exploitation agricole de Henri Delerue et
Blanche Dupire rue Parmentier, face à la rue
Montesquieu.
Annie Delatte-Regolle
Xavier Lavallart
données historiques et statistiques, mars 2007