Comment, en quelques lignes, vous montrer l'avancée des
recherches concernant Mons-en-Baroeul au 19e siècle,
spécialement durant la période 1830-1832 ?
Voilà la solution proposée, étant entendu que
seule la course de Louis Debuigne est imaginaire. Tout le reste,
noms, prénoms, métiers, anecdotes, est authentique,
puisé dans les Archives municipales.
Il est encore bien tôt ce 11 avril 1841. Tout
paraît silencieux. Mais Louis Debuigne, garde champêtre
dans le village de Mons-en-Baroeul depuis la mort récente de
François Duponchel, a l'habitude d'écouter et
d'observer. Il doit porter un pli à la ferme de Louis
Ducroquet au hameau de la Chapelle, près de Marcq. Il aurait
préféré aller voir l'autre frère
Ducroquet car cet ami est cabaretier.
Il est très fier de sa charge. Son père a
d'ailleurs la même responsabilité à Hellemmes
où il a lui-même commencé à travailler
comme journalier. Il a hérité du prénom
paternel. C'est une coutume, surtout chez les agriculteurs ; mais
il a remarqué que celle-ci n'est plus très
respectée. Beaucoup de garçons s'appelaient
Jean-Baptiste ou Louis, et pour les filles on donnait la
préférence à Adélaïde,
Joséphine, Catherine et surtout Marie. Et voilà que
de nouveaux prénoms apparaissent : Achille, «
Alphrède », Victor, Anaïs, Clarisse et
Clémentine. Peu à peu on se fait aux Rose, Rosalie,
Roseline, Flore, Florentine, Florine. Les seules traces visibles de
l'ancien calendrier révolutionnaire sont les noms de fleurs.
Heureusement qu'Échelle, Brouette... ont été
peu empruntés.
Celui qui travaille en ville
On le voit marchant à grandes enjambées dans
« le petit chemin », après avoir
vérifié le niveau d'eau dans les fossés
près de la ferme de la Grande Motte. Il faudra qu'il aille
vérifier rue de Lannoy car il sait que le sous-sol y est
plus argileux. Il fait signe à son ami Augustin Grimonpont,
son voisin au hameau de la Guinguette. Il a une grande admiration
pour son autre voisin, le maire, Jean-Baptiste Dewas, qui est
à la tête d'une exploitation agricole importante.
Très souvent, il le rencontre à la maison commune
où parfois celui-ci lui demande d'être témoin
pour l'enregistrement d'une naissance, d'un décès ou
d'un mariage. Lorsque l'officier d'état-civil requiert les
professions, il s'interroge : ces métiers lui auraient-ils
plu ? Les travaux de la terre... Non. Mais des activités
annexes le fascinent. Être maréchal ferrant comme
Louis Desmettre... d'autant plus qu'il est capitaine de la Garde
nationale. Pourquoi pas maître-bourrelier comme Louis Dubus,
tonnelier, charron, ou corroyeur ? Il y a encore quelques jours,
Dieudonné Decottignies, journalier, lui expliquait son
travail de mannelier, mais il lui laissait entendre que les travaux
du bâtiment l'attiraient : menuisier, charpentier, peintre,
couvreur de pannes ou de paille.
Il croise Isaac Desmettre qui va travailler à la Monnaie
de Lille. Il paraît que, comme lui, il ne sait ni lire ni
écrire, encore moins signer. Par contre, il a
remarqué que certains ont appris par coeur une signature...
Isaac, qui travaille en ville, le fascine également...
autant que les soldats qui reviennent en congé
illimité. C'est son monde de rêves. Il a su par
Fideline Bus, qui est domestique dans la ferme de Louis Riquier,
rue du Bois, que son frère Jean-Baptiste, monsois d'origine,
a participé à la prise d'Alger en 1830. Il lui avait
raconté, lors d'une permission, que notre pays
s'était emparé d'Alger parce que le Bey avait
donné au consul de France un coup de chasse-mouches... Mais
lui est persuadé que c'est fallacieux parce que
Napoléon voulait déjà envahir l'Afrique du
Nord.
Delemar-Stien et Stien-Delemar
Son esprit s'égare... Il repense à tous ces noms
de métiers, entendus à la maison commune, et que
personne n'exerce à Mons. Il se souvient d'un ferblantier et
d'un filetier à Lille, d'un tourneur en fer de Wasquehal,
d'un « travailleur du moulin de Fives ». Jean-Baptiste
Depinoy est fileur, mais filetier ? Il a remarqué que les
journaliers travaillant dans le textile à domicile sont
devenus plus nombreux. Leurs revenus dans l'agriculture ne
suffisent plus.
Le livret ouvrier, créé par Bonaparte, est un
véritable passeport. Lorsque Louis Debuigne est
arrivé à Mons, il a dû en priorité le
faire viser par le maire. Tout journalier qui voyage sans livret
risque la prison. Une journée de treize heures de travail
est presque considérée comme courte et parfois il
faut travailler sept jours. Il paraît qu'au mois de mars, une
loi a limité la durée de travail des enfants de huit
à douze heures selon leur âge. Sera-t-elle
appliquée à la campagne ? Qui va vérifier ?
JeanBaptiste Delemar lui a dit en riant que ce serait lui.
Jean-Baptiste est adjoint au maire depuis cinq ans. Il habite route
de Roubaix, ou comme disait le géomètre venu il y a
peu : « Pavé de Lille à Roubaix ». Il est
cultivateur et maître charron. Son fils Antoine, qui
travaille avec lui, a épousé Marie Stien, et Adrien
Stien a épousé Stéphanie Delemar. Les
alliances matrimoniales se contractent en milieu fermé chez
les cultivateurs et la charge municipale est passée d'un
père à l'autre. Peut-être Louis ou Alexandre
briguerat-il l'échelon supérieur ?
Il passe devant la petite maison sans étage et couverte
de pannes d’Henri Loridant. Henri, cordonnier, a
épousé Appoline, la fille d’un sabotier ! Bref,
pour se marier, il faut le consentement des parents, même si
les enfants sont majeurs. Il aperçoit Marie Ducroquet qui,
comme sa propre femme, Florentine, attend un heureux
événement. Pour le quatrième il a choisi le
prénom de Désiré. Il espère que ce sera
un garçon solide et courageux. Il n’a pas prévu
de prénom féminin… mais il a pensé
à un cadeau qu’il ira chercher chez son ami Leclercq,
le passementier.
Le « village », appellation ancienne du Haut de
Mons, selon le plan cadastral de 1829
1. Le hameau de la Chapelle, correspondant à l'actuel
rond-point du Baroeul.
2. Le Petit Chemin, devenu avenue Emile Zola/rue Parmentier/rue
du Quesnelet.
3. Le Pavé de Lille à Roubaix, aujourd'hui rue du
Général de Gaulle.
4. La rue du Bois, baptisée plus tard rue Franklin.
Texte de Xavier LAVALLART
Association Historique de mons en Baroeul
octobre 2002